Père David : Homélie pour le soir de Noël


Voici l’homélie que le Père David, responsable des communautés catholiques hébréophones en Israël, a donnée le 24 décembre 2012, le soir de Noël, à Jérusalem.

Cette année, dans les jours qui précèdent Noël, je me suis pris à me répéter sans cesse les mots de l’ange aux bergers dans les champs de Bethléem : « N’ayez crainte, car je vous annonce une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né dans la cité de David un Sauveur ; il est le Messie, le Seigneur. Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un enfant emmailloté dans ses langes et couché dans une mangeoire » (Luc 2 :10-12). De fait, nous entendons sans cesse ces paroles de consolation, dans toutes les parties de l’Ecriture, et à travers les générations de l’histoire du salut : « Ne craignez pas ». Nous les entendons, nous, peuple de la foi, et nous tentons de les mettre en pratique, de tout notre pouvoir, car nous savons que c’est cela que la foi signifie – ne pas avoir peur – « Si Dieu est pur nous, qui sera contre nous ? Lui qui n’a pas refusé son propre Fils, mais qui l’a donné pour nous tous, est-ce qu’avec lui il ne nous donnerait pas n’importe quelle autre chose ? » (Romains 8 :31-32) Mais nous devons l’admettre ouvertement : il n’est pas facile en notre monde de vivre exempt de peur – dans ce monde parfois très menaçant, qui cultive l’angoisse et la peur. Et pourtant, nous sommes venus ici ce soir, rassemblés autour de la mangeoire du Seigneur et nous cherchons à fortifier notre foi dans ce Dieu qui nous donne un enfant qui « nous est né », un fils qui « nous a été donné », et dont le nom est ‘ «Merveilleux Conseiller, Dieu Fort, Père à jamais, Prince de la Paix » (Isaïe 9 :6).

La vie exempte de peur, c’est-à-dire la vie de foi, est bâtie sur une vision corrigée. Les yeux du corps voient toutes les raisons de craindre. Mais les yeux de ‘esprit voient les signes que Dieu délivre aux hommes – les signes de sa Présence, sa force cachée et son Royaume. Cette année, la question des signes a beaucoup occupé mes pensées. Que sont les signes qui apparaissent dans la lectures de la fête ?

Dans la première lecture, nous entendons les paroles du prophète Isaïe : « Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (Isaïe 7 :14). Des générations d’exégètes ont discuté de l’identité de cette jeune femme, et d’autres ont débattu de la question de la virginité ou non de cette femme… Mais cette année, c’est moins sur l’identité de la jeune femme que je m’interroge que sur la nature du signe. Le contexte est clair : un monde menaçant, un roi plein d’angoisse – le danger immédiat auNord que représente l’Empire Assyrien, qui provoque de l’inquiétude dans toute la région, et la coalition syrienne qui est sur le point d’envahir les territoires du Royaume de Juda. Akhaz, roi de Juda, est paralysé par ses angoisses et ses craintes à l’égard de l’avenir. Où est le Dieu d’Israël ? Où sont les hauts faits du Rocher d’Israël ? Il donne un signe par la parole du prophète : « Voici, la jeune femme est enceinte ». Dans l’ombre de la mort, un signe de vie, dans les ténèbres, un signe de lumière, dans l’ombre de la fin, le signe d’un commencement nouveau. La jeune femme est enceinte… elle porte en son sein l’espoir de l’avenir. « Ni par la bravoure, ni par la violence, mais bien par mon Esprit, déclare le Seigneur, le tout-puissant » (Zacharie 4 :6). AU lieu d’une victoire, au lieu « du tonnerre et des éclairs, du son de la trompette et de la montagne qui fume » (Exode 20 :18), au lieu d « un grand vent fort et puissant, qui érodait les montagnes et fracassait les rochers », d’ « un tremblement de terre », d’ « un feu » (1 Rois 19 :11-12), « la voix d’un fin silence ». On peut facilement manquer d’entendre ce son, et manquer aussi la jeune femme enceinte, en passant à côté d’elle sans même remarquer qu’elle rayonne de lumière, parce qu’elle porte la vie en son sein, alors que nous sommes plongés dans l’angoisse et la crainte… Nous ne remarquons tout simplement pas en son sein le signe : Emmanuel – Dieu est avec nous. Nous nous refermons en nous-mêms, loin de lui, et nous ne lui faisons pas place, parce qu’en notre âme il n’y a pas d’espace pour la foi en lui. L’angoisse nous empêche de nous ouvrir, et nous restons ainsi comme une femme stérile, au lieu de répondre à l’appel à porter Dieu en notre sein.

Les bergers ne sont pas comme nous… en cette nuit froide et obscure, ils entendent la voix de l’ange : « Ne craignez pas : voici que je vous annonce une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : il vous est né un Sauveur ». C’est une chose étrange qu’ils entendent là, si l’on y réfléchit un peu : le Sauveur est né… le Messie, le Seigneur ! Est-il né dans le palais des rois ? Est-il venu dans la sonnerie des trompettes et le chant des chœurs ? Dans la gloire et le rayonnement, dans la splendeur et la gloire ? Et quelle est donc cette proclamation ? Elle n’est pas adressée aux dirigeants du peuple, mais à des bergers ? A ceux qui sont en marge, et non à des élites qui gouvernent ? Le sauveur du monde vient et les bergers sont les seuls à le savoir. En voici le signe ; un enfant emmailloté, couché dans une mangeoire ! De fait, les yeux du corps ne le percevront pas… un bébé sans défense, sans même un endroit pour reposer, de sorte qu’il est placé dans une mangeoire, dans une étable. Dans une mangeoire, en laquelle on met la nourriture des animaux, comme s’il était la nourriture pour les affamés ; et il est emmailloté en des langes comme le corps de celui qui sera crucifié et mis au tombeau revêtu de son suaire. Est-ce bien cela que nous attendons ? Est-ce cela qu’ont entrevu et annoncé les prophètes ? Est-il possible qu’il soit le Sauveur du monde ?

« Car la folie de Dieu est plus sage que la sagesse humaine, et la faiblesse de Dieu est plus forte que la force humaine » (1 Corinthiens 1 :25). Il est venu bouleverser nos pensées, surprendre nos attentes, ébranler notre existence… afin de nous éveiller de l’illusion que tout est déjà su, que nous contrôlons tout, que le désespoir est la seule réponse logique à la réalité affreuse de notre monde. Frères et sœurs, cette nuit nous devons nous éveiller, parce qu’un signe nous a été donné. Ouvrons les yeux de l’esprit pour voir le signe. Le voir n’est pas notre seule tâche, car nous avons aussi à devenir un signe. Nous n’avons pas manqué la jeune femme, ni l’enfant emmailloté, couché dans une mangeoire. Nous sommes venus, confiants dans le fait qu’il est né. Maintenant nous devons devenir le signe d’une grande joie – la joie de l’Emmanuel (Dieu avec nous) – et devenir des témoins de cette joie « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1 :8).

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