Les langues de la Bible…


S. Agnès Tichit, une amie à Paris, nous a envoyé un article qui explique quelles sont les langues bibliques.

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L’hébreu

L'hébreu est la langue dans laquelle a été rédigé, à l'exception de quelques passages en araméen, l'ensemble qui constitue la Bible juive. Cette langue appartient au sémitique occidental septentrional dont elle constitue, avec le moabite et le phénicien, le rameau cananéen.

Le domaine de l'hébreu biblique a été élargi par la découverte, à partir de 1947, dans les grottes du Wadi Qumrân, au nord-ouest de la mer Morte, d'une collection de textes très anciens (-200/+100), dont le fameux rouleau d'Isaïe. En dehors de ces documents littéraires, des inscriptions préexiliques, qui offrent des parallèles avec le texte biblique, renvoient à l'écriture archaïque de l'hébreu, très proche de l'écriture phénicienne.

Après l'exil à Babylone (-587), l'hébreu est confronté à l'usage de l'araméen, puis du grec. Il évolue alors pour donner l'hébreu mishnique, que les juifs cessent de parler après la prise de Jérusalem par Hadrien et la dispersion (+135). Il demeure cependant vivant dans le domaine religieux et épistolaire. Les textes, surtout les poèmes liturgiques retrouvés dans la Gueniza du Caire, montrent que les siècles écoulés après la clôture de la Mishna (+200) ont été très riches.

Au Moyen Âge, l'hébreu fait l'objet d'études approfondies. Il est doté de règles grammaticales qui facilitent la lecture des textes anciens. À partir du dernier quart du XVIIIe siècle, en lien avec le mouvement de la Haskala qui s'efforce, en Allemagne, de libérer les juifs du Moyen Âge et de les adapter au monde moderne, il se développe dans le domaine profane, puis comme langue parlée.

La période moderne de l'hébreu commence dès la seconde moitié du XIXe siècle avec la prédominance du style russe. L'éveil de la nationalité juive et son aboutissement politique transforment, sous l'impulsion d'Éliézer Ben Yehouda (1858-1922), ce qui n'était encore qu'un parler de circonstance en un parler de tous les jours.

L’araméen

L'araméen, tout comme l'hébreu, est une langue qui appartient au sémitique occidental septentrional. Encore parlée par quelques centaines de milliers d'individus au Proche-Orient (Turquie, Syrie, Iran, Irak), cette langue s’est diversifiée au gré des bouleversements politiques, culturels et religieux. Les plus anciens témoignages proviennent d'inscriptions rédigées surtout en Syrie à partir de -900.

Vers -700, l'araméen devient la langue de communication de la plus grande partie du Proche-Orient ancien et se substitue peu à peu aux langues sémitiques du nord : l'akkadien, l'hébreu, etc. L'usage de cet araméen d'empire est attesté par un bon nombre de papyri d'Égypte, d'épigraphes parfois bilingues, voire trilingues, d'ostraca de Mésopotamie, de Perse, d'Afghanistan, du Pakistan, d'inscriptions lapidaires d'Asie Mineure, de Palestine et d'Arabie du nord. C'est dans cet idiome officiel que sont rédigées les parties araméennes de la Bible (Esdras 4, 8 à 6, 18 et 7, 12-26 ; Daniel 2, 4 à 7, 28 ; Jérémie 10, 11 ; Genèse 31, 47).

La fin de l'époque perse marque un changement dans l'histoire de la langue araméenne. L'araméen des époques grecque et romaine, dit araméen moyen, permet l'émergence ou la résurgence de dialectes, qui mènent à une division, aux environs de l'ère chrétienne, entre l'araméen occidental (la Syrie-Palestine) et l'araméen oriental (la Mésopotamie). Chaque dialecte : le judéo-araméen avec la vaste littérature des Targums et du Talmud, le samaritain, le nabatéen, le palmyrénien, le syriaque, le mandéen, développe ses traits propres.

Le grec

L'araméen n’évite pas toutefois l'expansion du grec qui, à la mort d'Alexandre le Grand (-323), devient la langue des échanges entre les divers peuples de l'Empire hellénistique partagé entre ses généraux. Le grec qui émerge à cette époque, et qui est utilisé jusqu'à la conquête romaine (-30), est celui de la koïnè. Échappant à l'atomisation en dialectes du grec classique des cités, il s'unifie sur la base du grec d'Athènes. Localement, il développe des caractéristiques particulières : le bilinguisme facilite l'adaptation de tournures issues de langues vernaculaires. La découverte en Égypte de nombreux papyri grecs, actes commerciaux ou notariés, manifeste, par exemple, la variabilité de la langue locale qui s'inscrit dans les larges possibilités de la koïnè.

Les textes bibliques sont des témoins intéressants de cette koïnè, qui s'adapte aux réalités religieuses du judaïsme alexandrin et palestinien. Au IIIe siècle av. n. è., la diaspora juive entreprend la traduction en grec de la Tora, connue sous le nom de la Septante. Le passage de l'hébreu, langue sémitique, au grec, langue indo-européenne, s'effectue à la fois dans la fidélité et la créativité : reproduction du style de la Bible hébraïque, mais aussi recours aux « septantismes » conformes au génie de la langue grecque. Par ailleurs, le lexique de la Septante emprunte au vocabulaire technique du monde environnant, celui de l'Égypte avec ses canaux, ses techniques agricoles et artisanales, ses animaux et ses plantes, etc.

À ce titre, la version de la Septante est un témoin à part entière de la richesse et de la diversité du grec de la koïnè. Pendant trois siècles, elle facilite le développement de toutes sortes d'œuvres sapientielles, religieuses et philosophiques en monde juif. Mais la plus grande partie de sa postérité est encore ailleurs. À la fin du Ier siècle de n. è., les juifs, traumatisés par la prise de Jérusalem et la disparition du Temple, se regroupent autour des traditions palestiniennes et excluent ce qui vient du monde grec. Au IIe siècle de n. è., ils finiront par rejeter la Septante devenue la Bible des chrétiens. En revanche, ces derniers qui viennent souvent du judaïsme de langue grecque, expriment la nouveauté des événements en s'appuyant surtout sur la Septante. Les évangélistes y puisent les mots qui leur facilitent l'annonce de la foi chrétienne comme, par ex., « ressusciter », « royaume », « Christ » (ou « oint »), « gloire », « assemblée », etc.

Par la suite, la Septante devient la Bible des Pères de l'Église grecque qui en déploient les innombrables richesses. À travers cette immense littérature, le grec de la koïnè, devenu peu à peu grec byzantin, continue d'exprimer la pensée théologique, religieuse et philosophique ainsi que la foi populaire dans tout l'Empire byzantin. De cette manière, la langue grecque s'inscrit dans un étonnant continuum qui se poursuit jusque dans la Grèce contemporaine. En effet, s’il est clair que la langue populaire ou démotique se transforme plus vite, la langue officielle et académique reste aujourd'hui encore étonnamment proche du grec de la koïnè.

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