"Ecclesia in Medio Oriente" sur l’émigration


Dans son importante exhortation "Ecclesia in Medio Oriente", délivrée le 14 septembre 2012 au Liban, lors de sa visite, la Pape discute longuement le thème de l’émigration. Nous publions son texte.

31. La réalité moyen-orientale est riche par sa diversité, mais elle est trop souvent contraignante et même violente. Elle concerne l’ensemble des habitants de la région et tous les aspects de leur vie. Placés dans une position souvent délicate, les chrétiens ressentent de manière particulière, et parfois avec lassitude et peu d’espérance, les conséquences négatives de ces conflits et de ces incertitudes. Ils se sentent souvent humiliés. Par expérience, ils savent aussi qu’ils sont des victimes désignées lorsqu’il y a des troubles. Après avoir participé activement pendant des siècles à la construction des nations respectives et contribué à la formation de leur identité et à leur prospérité, les chrétiens sont nombreux à choisir des cieux plus propices, des lieux de paix où eux et leurs familles pourront vivre dignement et en sécurité, et des espaces de liberté où leur foi pourra s’exprimer sans être soumis à des contraintes diverses. [24] Ce choix est déchirant. Il affecte gravement les individus, les familles et les Églises. Il ampute les nations et contribue à l’appauvrissement humain, culturel et religieux moyen-oriental. Un Moyen-Orient sans ou avec peu de chrétiens n’est plus le Moyen-Orient, car les chrétiens participent avec les autres croyants à l’identité si particulière de la région. Les uns sont responsables des autres devant Dieu. Il importe donc que les dirigeants politiques et les responsables religieux comprennent cette réalité et évitent une politique ou une stratégie communautariste qui tendrait vers un Moyen-Orient monochrome qui ne reflètera en rien sa riche réalité humaine et historique.

32. Les pasteurs des Églises orientales catholiques sui iuris constatent, avec préoccupation et douleur, que le nombre de leurs fidèles se réduit sur les territoires traditionnellement patriarcaux et, depuis quelque temps, ils se voient obligés de développer une pastorale de l’émigration. [25] Je suis certain qu’ils font leur possible pour exhorter leurs fidèles à l’espérance, à rester dans leur pays et à ne pas vendre leurs biens. [26] Je les encourage à continuer à entourer d’affection leurs prêtres et leurs fidèles de la diaspora en les invitant à rester en contact étroit avec leurs familles et leurs Églises, et surtout à garder avec fidélité leur foi en Dieu grâce à leur identité religieuse construite sur des traditions spirituelles vénérables. [27] C’est en conservant cette appartenance à Dieu et à leurs Églises respectives, et en cultivant un amour profond pour leurs frères et sœurs latins, qu’ils apporteront à l’ensemble de l’Église catholique un grand bénéfice. Par ailleurs, j’exhorte les pasteurs des circonscriptions ecclésiastiques qui accueillent les catholiques orientaux à les recevoir avec charité et estime comme des frères, à favoriser les liens de communion entre les émigrés et leurs Églises de provenance, à donner la possibilité de célébrer selon les propres traditions et à exercer des activités pastorales et paroissiales, là où cela est possible. [28]

33. L’Église latine présente au Moyen-Orient tout en souffrant de l’hémorragie de nombreux de ses fidèles, expérimente une autre situation et se trouve confrontée à relever de nombreux et nouveaux défis pastoraux. Ses pasteurs doivent gérer l’arrivée massive et la présence dans les pays à économie forte de la région, de travailleurs de toute sorte venant d’Afrique, d’Extrême-Orient et du sous-continent indien. Ces populations constituées d’hommes et de femmes souvent seuls ou de familles entières, sont confrontées à une double précarité. Ils sont étrangers dans le pays où ils travaillent, et ils expérimentent trop souvent des situations de discrimination et d’injustice. L’étranger est l’objet de l’attention de Dieu et il mérite donc le respect. Son accueil sera pris en compte au Jugement dernier (cf. Mt 25, 35 et 43). [29]

34. Corvéables à merci sans pouvoir se défendre, ayant des contrats de travail plus ou moins limités ou légaux, ces personnes sont parfois victimes d’infractions des lois locales et des conventions internationales. Par ailleurs, elles subissent de fortes pressions et de graves limitations religieuses. La tâche de leurs pasteurs est nécessaire et délicate. J’encourage tous les fidèles catholiques et tous les prêtres quelle que soit leur Église d’appartenance, à la communion sincère et à la collaboration pastorale avec l’Évêque du lieu, et celui-ci à une compréhension paternelle envers les fidèles orientaux. C’est en collaborant ensemble et surtout en parlant d’une seule voix, que, dans cette situation particulière, tous pourront vivre et célébrer leur foi en s’enrichissant par la diversité des traditions spirituelles tout en demeurant en contact avec les communautés chrétiennes d’origine. J’invite aussi les gouvernants des pays qui reçoivent ces populations nouvelles à respecter et à défendre leurs droits, à leur permettre la libre expression de leur foi en favorisant la liberté religieuse et l’édification de lieux de culte. La liberté religieuse « pourrait faire l’objet d’un dialogue entre les chrétiens et les musulmans, un dialogue dont l’urgence et l’utilité ont été réaffirmées par les Pères synodaux ». [30]

35. Alors que par nécessité, lassitude ou désespoir des catholiques natifs du Moyen-Orient se décident au choix dramatique de laisser la terre de leurs aïeux, leur famille et leur communauté croyante, d’autres, au contraire pleins d’espérance, font le choix de rester dans leur pays et dans leur communauté. Je les encourage à consolider cette belle fidélité et à demeurer fermes dans la foi. D’autres catholiques enfin, faisant un choix tout aussi déchirant que les chrétiens moyen-orientaux qui émigrent, et fuyant des précarités dans l’espoir de construire un avenir meilleur, choisissent les pays de la région pour y travailler et y vivre.

36. En tant que Pasteur de l’Église universelle, je m’adresse ici à l’ensemble des fidèles catholiques de la région, les natifs et les nouveaux arrivés, dont la proportion s’est rapprochée ces dernières années, car pour Dieu, il n’y a qu’un seul peuple, et pour les croyants, qu’une seule foi ! Cherchez à vivre respectueusement unis et en communion fraternelle les uns avec les autres dans l’amour et l’estime réciproques pour témoigner de manière crédible de votre foi dans la mort et la résurrection du Christ ! Dieu écoutera votre prière, bénira votre comportement et vous donnera son Esprit pour affronter le poids du jour. Car, « là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3, 17). Saint Pierre écrivait à des fidèles expérimentant des situations similaires, des paroles que je reprends volontiers pour vous les adresser en exhortation : « Et qui vous ferait du mal, si vous devenez zélés pour le bien ? […] N’ayez d’eux aucune crainte et ne soyez pas troublés. Au contraire, sanctifiez dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » (1 P 3, 13. 14b-15).

[24] Cf . Benoît XVI, Message pour la journée mondiale des migrants et des réfugiés 2006 :AAS 97(2005), pp. 981-983 ; idem 2008 : AAS 100 (2008), pp. 805-808 ; et ibidem 2012 : AAS 103 (2011), pp. 763-766.

[25] Cf. Proposition 11.

[26] Cf. Propositions 6 et 10.

[27] Cf. Proposition 12.

[28] Cf. Proposition 15.

[29] Cf. Proposition 14.

[30] Benoît XVI, Homélie de la messe de clôture de l’Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour le Moyen-Orient (24 octobre 2010): AAS 102 (2010), p. 815.

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